Parc national des Virunga : l’humain se fout-il de son patrimoine ?

Article : Parc national des Virunga : l’humain se fout-il de son patrimoine ?
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7 juin 2019

Parc national des Virunga : l’humain se fout-il de son patrimoine ?

Le 5 Juin de chaque année est célébrée la journée mondiale de l’environnement. A l’occasion, je voulais sortir ma plus belle plume et écrire une épopée de la mère nature. Malheureusement, être blogueur c’est aussi ça : rater les bonnes occasions de se faire lire. Cependant, depuis ce matin quelque chose m’intrigue : la ville de Goma sera finalement électrifiée. En effet, Goma est l’une des grandes villes de la RDC, située à l’Est du Pays entre le lac Kivu et la chaîne volcanique des Virunga.

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On est bien sur le dos de maman !
Photo : Flickr

Ce n’est pas que cette ville n’a jamais eu du courant depuis la création du monde, c’est juste que l’électricité y est aussi rare que l’or et y demeure un signe de richesse. Il n’y a que quelques familles qui peuvent se payer le luxe d’avoir de l’électricité dans leur maison alors que les autres croupissent dans le noir. Bizarrement, même ceux qui ont la capacité de payer la facture de courant à Goma font face à un délestage permanent, et c’est toujours une surprise pour eux de voir les lumières allumées.

Quel rapport entre l’électrification de la ville de Goma et le parc des Virunga ?

Parc animalier le plus vieux et plus menacé de l’Afrique, les Virunga est en proie à plusieurs dangers, parmi lesquels la déforestation. Selon un rapport publié en 2013 par l’organisation internationale WWF[1], la déforestation constitue l’une des principales menaces pour le parc des Virunga. Le taux de cette déforestation est considérable : de l’ordre de 1% par an depuis des années. Également, 80% du charbon de bois et du bois de chauffe utilisés par les populations environnantes sont issus du Parc des Virunga.

Face au manque d’autres sources d’énergie, les populations riveraines du parc n’ont d’autre choix que de se procurer du bois de chauffage dans le parc. Aujourd’hui des débats autour de l’exploitation du pétrole et du braconnage font écho au combat de plusieurs organisations tant internationales que nationales. Cette pagaille créée pour des raisons que personnellement j’ignore fait oublier l’urgence à résoudre pour sauver le parc national des Virunga.

Je ne dis pas cela pour manifester mon désintérêt face aux effets néfastes que produirait l’exploitation du pétrole sur la population animale et végétale du parc, mais juste pour continuer à célébrer la belle victoire de la planète sur cette mésaventure de la Soco. Outre, ce parc qui fait face au braconnage et à l’activité des groupes armées, mérite bien d’être secouru pour préserver sa population animale. Mais où iront ces animaux si les forets qui les abritent venaient à disparaître ?

Voilà pourquoi je pense que l’urgence consiste à lutter contre la déforestation s’il a cette volonté de sauver le parc des Virunga. L’installation de deux barrages hydrauliques dans le cadre du programme « Alliance Virunga » pour fournir l’électricité aux populations environnant le parc était la réponse adaptée. Mais à qui profite actuellement l’électricité produite par ce courant ?

L’économie ou la politique, c’est qui le vrai coupable ?

L’électricité produite pour lutter contre la déforestation dans le parc des Virunga est confronté à plusieurs obstacles. Sa capacité à sauver les Virunga vaut la peine d’être mise en cause aujourd’hui. Les ménages déjà desservis en électricité ont du mal à supporter le coût exagéré de la facture. Beaucoup avaient pourtant investi de grosses sommes d’argent pour s’abonner. La facturation a été revue à la hausse sans tenir compte de la situation socio-économique de ces habitants, cultivateurs et fermiers pour la plupart, dont le revenu journalier est en dessous de 1$ US par jour.

Majoritairement non-instruites, ces populations ne savent rien de la protection de l’environnement, encore moins du parc. Elles ont opté pour ce courant après avoir vu qu’il était plus avantageux que le charbon de bois. L’électricité, censée être un important outil du développement pour eux, est devenue d’autant plus inaccessible que certains veulent considérer qu’il n’a même jamais existé. Contrairement à ce qui a été souligné au départ par les responsables de l’ICCN lors de l’inauguration de ces centrales, cette électricité n’est visiblement pas venue pour aider la population à ne plus recourir aux ressources du parc pour vivre.

Voilà ce qui m’a intrigué lorsque je me suis rendu compte que la ville de Goma sera finalement électrifiée. En effet, c’était lors de ma balade journalière que j’ai constaté l’installation des lignes électriques qui vont détourner ce courant pour Goma, en vouant ainsi les Virunga à la déforestation. Inutile de signaler que pour les habitants de la ville de Goma le coût de la facture ne posera pas problème. Ce qui fait une bonne affaire pour les responsables de Virunga Sarl. Je suis tenté de croire même que c’est bien ce qui explique la revue à la hausse de la facture du courant.

D’où, je crois que la politique est aussi responsable que l’économie dans cette affaire. Bien que certains politiques aient évoqué cette question au pays, personne n’a encore songé à prendre une décision qui apporterait une quelconque solution. C’est une guerre entre l’humanité et la nature qui est déclarée dans cette lutte contre les bénéfices au péril de la planète. Je ne sais pas comment je trouverai des mots pour expliquer à mes enfants que la plus grande réserve naturelle a été détruite pour électrifier le ville de Goma alors que la RDC a un potentiel électrique estimé à plus de 100.000 MW.

 

[1] Valeur économique du Parc National des Virunga, Rapport WWF 2013

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