Ruyange Jean-Fraterne

Idjwi, une merveille au cœur du lac Kivu en République démocratique du Congo

Idjwi est une île surplombant le cœur du lac Kivu à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Bien qu’étant à cheval entre les villes de Goma et Bukavu, l’île Idjwi a des particularités qui font d’elle un endroit spécial au pays de Lumumba. Dans ce billet, je vous partage quelques aspects qui ont retenu mon attention lors de mon voyage sur cette île.

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Vue panoramique d’une partie de l’ile d’Idjwi

Par Jean-Fraterne Ruyange

Idjwi n’est pas qu’une bande de terre dans le lac Kivu

Contrairement à ce que pense plus d’un, l’île d’Idjwi c’est tout un monde, d’ailleurs, bien plus qu’un monde, c’est un petit bout de paradis. Avec une superficie de 285 km2, elle est la plus grande île de la RDC et deuxième d’Afrique. Oui, je dis bien deuxième d’Afrique, juste après le Madagascar.

Avec une population estimée à plus de 326 000 habitants, selon les estimations de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), Idjwi est principalement habitée par deux communautés ethniques (Les Havus à plus de 95% et les Pygmées).

Vivant principalement de la pêche et de la culture, la population d’Idjwi n’a jamais connu de guerre ni de conflit important. Ci-gît les noumènes comme tribalisme, peuple majoritaire ou encore peuple minoritaire. La cohabitation pacifique fait place à la complémentarité en étouffant de la sorte toute inimitié possible.

La vie dans la nature ou la vie avec la nature ?

Quand je suis arrivé à Idjwi, c’est son paysage qui m’a charmé à premier vue. Des montagnes qui s’élèvent dans la profondeur du lac, des petits îlots garnissant la grande île s’escortent donnant l’air des forêts flottant sur l’eau, les chants des oiseaux, et tant d’autres merveilles, dont le sourire des insulaires, voilà comment Idjwi m’a accueilli.

Le revers de ce charme apparent ce sont les variétés innombrables d’insectes vivant sur l’île. Je ne voudrais pas que les écologistes me comprennent mal, mais, en vérité, c’est un vrai calvaire de vivre en compagnie d’insectes présentent presque partout – ou, disons mieux, dans tout.- Que ce soit sur le lit, dans les habits que l’on porte, voire même dans la nourriture ainsi que dans l’eau. S’il y a quelque chose qui puisse donner la mort rapidement à Idjwi ce sont ces insectes. Sur cette île, l’obligation de cohabiter avec la nature est naturelle.

Le décalage entre ce qui et ce qui serait

Vivre de la pêche et de la culture c’est bien. Mais au 21ème siècle, cela représente-t-il quelque chose du point de vue économique ? A mon avis : Pas vraiment. La population d’Idjwi est faite des personnes au cœur atteint par le dénuement de la générosité démesurée. Le seul instinct dont elles disposent est celui de survie.

D’où le partage s’avère être la règle. Cela fait qu’ils ne voient pas les potentialités dont ils disposent pour faire de l’île un eldorado touristique et améliorer leur mode de vie. Les richesses, la fortune, les artifices,… tout cela n’a aucune importance. Seule la famille compte, malheureusement, en préjudice à l’économie.

L’île d’Idjwi demeure un terrain inexploité dans bien des domaines, donc propice au développement de nombre d’affaires. Les investisseurs n’ont donc pas d’excuses pour ne pas y investir suite à l’instabilité politique et l’insécurité, voici un endroit à l’abri de cela.

Le coté mystérieux de l’ile d’Idjwi

D’aucuns soutiennent que l’absence de la guerre à Idjwi serait justifiée par le coté mystique dont cette île est réputée. Je n’ai vraiment rien vécu de spécial de ce point de vue à Idjwi. Cependant, je n’ai pas été moins surpris d’être témoin d’un homme qui confie la garde de son champ des cannes à sucres aux serpents. Lui, il n’a nul besoin des épouvantails car ceux-ci font fuir les oiseaux et non les hommes.

Est-ce pour autant qu’il faut dire que la générosité et l’inexistence des conflits à Idjwi est à réduire à la peur liée aux pratiques mystiques ?


La descente aux enfers de l’économie congolaise

Depuis un certain temps, l’économie de la République démocratique du Congo (RDC) chancelle. La dépréciation du franc congolais provoque l’instabilité du taux de change mais aussi la flambée des prix sur le marché.

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Un billet de 5 millions des francs Zaïre, dit Yayote

Par Jean-Fraterne RUYANGE

Un rendez-vous à Golgotha

Les plus touchés par la dépréciation du franc congolais sont les agents et fonctionnaires de l’Etat qui perçoivent leur salaire en monnaie locale. Alors que le taux de change ne fait que grimper dans les tours, ils sont sujets au traitement d’il y a toujours. Face à cette situation, ces salariés se trouvent dans l’impasse et ne peuvent lier les deux bouts du mois.

Si leurs salaires stagnent, tel n’est pas le cas des prix sur le marché. Bien que la loi budgétaire fixe le taux de 1450 francs congolais pour 1$ US, ceux-ci continuent de percevoir leur salaire au taux de 930fc pour 1$ US.

C’est ainsi qu’ils se sont réunis le mois dernier en brandissant la « mauvaise foi » du gouvernement, tout en l’interpellant sur les grèves qui seront observé jusqu’à ce qu’ils recouvrent ce que de droit. Bien au-delà des grèves, ce qui vient empirer les choses ce sont les appels aux journées mortes qui bloquent toutes les activités génératrices des revenus.

Un autre rendez-vous des agents et fonctionnaires de l’Etat est prévu à la place Golgotha, en face du bureau du trésor public à Kinshasa. Ces grèves vont-elle crucifier Barrabas ou le Messie tant que nous savons qu’elles contribuent à la détérioration de l’économie du pays ?

Qui en profite ?

Je dirai qu’il y en a, sans doute, ceux qui ne sont pas touchés et ceux qui tirent profit de cette crise monétaire. Si les premiers ne peuvent être pointés du doigt, les deuxièmes quant à eux, sont les commerçants.

D’une manière ou d’une autre, ils sont ceux qui jettent de l’huile au feu. Ils profitent de l’inertie de ces premiers, incapables de déterminer un taux fixe, de le stabiliser et de régir les prix, pour semer le désordre, la confusion et le chaos.

A chaque commerçant correspond un taux de change particulier, qui plus est, le taux d’achat n’est pas égal au taux de vente. Je suis sûr que là vous ne comprenez pas ce que je dis car, en effet, il faut être Congolais pour essayer d’imaginer ce que cela pourrait bien dire.

Un voyage dans le temps

L’histoire risque de se répéter, comme ce fut le cas au Zaïre de Mobutu où l’hémorragie économique est allée jusqu’à imposer un billet qui ne pouvait être converti sur le marché. Avec ce billet dit le « Yayote[1] » on était obligé de dépenser jusqu’au dernier centime car il n’avait pas de subordonné pour permettre la restitution lorsqu’on effectuer des achats.

Cela s’est produit vers les années 90, lorsqu’il y a eu instabilité politique au pays. Les investisseurs ne veulent pas prendre le risque d’hypothéquer leur argent dans un pays où tout est peut arriver à tout moment. Sachant qu’ils sont les grands détenteurs des devises, voilà ce qui expliquerait, dans une certaine mesure, l’inflation de la monnaie locale.

Avec ce qui se passe actuellement en République Démocratique du Congo, il ne reste plus l’ombre d’un doute que l’économie du pays empire de jour en jour.

[1] Un mot swahili signifiant Pour tout. Utilisé pour surnommé la monnaie zaïroise ses années 90 avec lequel il fallait trouver de quoi acheter car dans le cas contraire rien ne vous est restitué.


L’innocence, un asile frêle contre le remord

A chaque effort consenti, la vie nous réserve une médaille. Et comme nous le savons tous, une médaille a deux faces. Les deux faces de celle que nous donne la vie sont le succès ou l’échec. L’un nous donne le confort, l’autre invite la culpabilité.

La culpabilité, un sentiment naturel

Contrairement aux épreuves sportives ou para sportives, dans la vie ce ne sont pas que les gagnants qui remporte des médailles. Ici, l’or, l’argent ou le bronze ne sont pas les objectifs pour lesquelles nous luttons. Quel que soit notre résultat, nous avons tous droit à une médaille sauf que les uns voient la face et les autres les revers de leur médaille.

Voilà pourquoi chacun de nous se bat pour ne pas tomber sur le revers de la médaille qui lui est réservé. Et si dans notre acharnement nous ne parvenons pas toujours à nous défaire de l’échec, nous espérons retrouver confort en rendant les autres coupables de ce forfait qui nous indigne.

Le coupable, ce n’est jamais moi

Ainsi, nous assistons à des discours du genre : « Si je n’ai pas été retenu pour ce poste ce n’est pas parce que j’ai échoué le test d’embauche, c’est juste que le recruteur n’a pas voulu de moi » ; « Si j’ai le cœur qui saigne ce n’est pas parce que je n’ai pas su convaincre l’élu de mon cœur, c’est juste qu’elle n’a pas voulu de moi ».

Oui, ce n’est pas moi, c’est les autres, je les rends noirs pour me rendre blanc ; je les culpabilise pour me sentir innocent mais la conscience est toujours au rendez-vous pour rappeler ma part de responsabilité en tout et pour tout.

Apprivoiser le sentiment de culpabilité, ça paie bien !

Le premier prix est de ne pas rester là à toujours nous justifier car derrière nos justifications se cache une peur immense. C’est vraiment le cas pour moi, la plupart de fois.

En deuxième lieu, ressentir la culpabilité nous permet de bien nous connaitre : ce qui nous embarrasse, ce qui déclenche la honte en nous,… Ce n’est pas en déchargeant notre faute sur l’autre que nous nous déchargeons de la culpabilité. Reconnaitre notre vulnérabilité est une réconciliation avec nous-même, l’admettre nous rend juste plus fort.

Par Jean-Fraterne Ruyange


Festival du Cinéma à Goma : L’éveil de la conscience par l’art

Le Congo International Film Festival, CIFF en abrégé, s’est tenu à Goma, en République Démocratique du Congo du 08 au 16 Juillet 2017. Il a alterné chaque jour des projections des films vecteurs de valeurs congolaises et africaines en vue de conscientiser la population locale sur les potentialités qu’elle regorge.

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Un débat autour du feu lors du CIFF

Par Jean-Fraterne Ruyange

C’est possible

Déjà à sa douzième édition, le CIFF qui est le plus grand festival de film en RDC a accueillit, pendant 09 jours plus de 14 000 personnes à Goma. Avec plus d’enthousiasme et d’engagement, cinéastes et cinéphiles ont vibré au rythme du meilleur de l’art.

« C’est possible, non parce que nous chantons ce slogan, mais parce qu’il y a des Congolais conscients travaillant jour et nuit dans tous les domaines de la vie pour que ce rêve devienne réalité. » A déclaré Petna Ndaliko Katondolo, directeur artistique du CIFF.

Un thème engagé, « C’est possible », visant à assurer tout un chacun des citoyens congolais sur l’espoir de reconstruire et revivre la paix après la kyrielle des guerres qui déchire le pays depuis plusieurs décennies.

A l’école du positivisme

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Un peu de la musique pour relaxer le festival

En plus de son coté formateur qui met à la disposition des artistes locaux des panels d’apprentissage et de renforcement des capacités animés par des professionnels aguerris(Quentin Noirfalisse, Carlo Ontai, Amelia Umuhire), le CIFF propulse aussi une industrie de cinéma dont l’objectif est de rentabiliser les métiers cinématographiques et contribuer de ce fait au PIB du pays.

Conçu conformément aux idéaux de Yolé!Africa, une école d’art prônant l’image positive de la RDC et de l’Afrique, au #CIFF2017 ont défilé des films montrant l’image d’un Congo positif, un Congo fort, un Congo qui réussit.

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Projection au Congo International Film Festival

C’est autours des ateliers de formations, débats et spectacles que les jeunes ont appris à developper une pensée critique qui incite à mettre en avant les intérêts de la communauté. Ainsi, le CIFF se fixe pour objectif « Éveiller la conscience à travers le cinéma ».

 


En République démocratique du Congo, le passé des gardiens de maison de Goma

 Ces cinq dernières années, la ville de Goma a assisté à la prolifération des maisons des gardiennages. Leur mission est importante : ils doivent veiller à la sécurité des biens et des personnes au sein de la ville. Leur passé cache des vérités aussi alarmantes que révoltantes.

Un agent de gardiennage​

Par Jean-Fraterne Ruyange

L’inefficacité des forces de l’ordre

L’armée et la police congolaise ne sont pas connus pour la protection des biens et des personnes dans la ville de Goma. Au sein de la population, l’armée et les forces de l’ordre sont considérés comme les plus redoutables prédateurs. Une légion d’actes illustrant cette affirmation peut vous être donnée même par le plus aliéné des habitants de Goma.

Nous n’y revenons pas ici pour vous épargner une litanie des faits aussi macabres que révoltants comme celui qui a vu le jour dernièrement sur le site du festival Amani où nous avons assisté au meurtre commis d’un artiste par un agent de la police. Impossible de leur faire confiance.

Un asile contre le chômage ou l’irresponsabilité de l’Etat ?

La quasi-absence de l’Etat dans le secteur de création de l’emploi expliquerait aussi cette prolifération des maisons de gardiennages. 50 000 emplois aurait été créés chaque année en RDC entre 2011 et 2015, selon le gouvernement. C’est en effet un moyen pour quelques hommes d’affaires d’investir dans le désespoir des jeunes chômeurs désœuvrés qui se retrouvent sans emploi après l’obtention de leurs diplômes. C’est comme si ce job remplissait à un certain niveau le rôle de l’Etat, malheureusement au détriment de la jeunesse qui s’y emploie.

Ce business qui devait assurer la survie de ces jeunes sans emploi s’avère être de plus en plus un terrain d’exploitation et de manipulation. Alors que les patrons de ces maisons gardiennes perçoivent une somme consistante auprès des clients, ils ne paient, cependant, aux gardiens qu’une somme modique très en-dessous du SMIC, ne leur permettant pas de vivre correctement.

La sacralisation d’une bassesse d’esprit

Il n’y a pas  longtemps, dans la ville de Goma, ce métier de gardiennage était réservé aux personnes de troisième âge, communément appelés « Zamu » qui n’ont plus la force et les atouts nécessaires pour s’employer à autre chose.
Ils se sont retrouvés sans emploi suite au gardiennage qui apporte du sang neuf, prétendu vigoureux, dans le secteur. Actuellement ce sont des jeunes, et qui plus est diplômés, qui sont réduits aux « Zamu ». Il semblerait même que la détention d’un diplôme de licence soit devenue un des critères pour être admis dans ce service. Et comme dans tous les autres secteurs de la vie, d’ailleurs, ce ne sont même pas tous les jeunes diplômés qui accèdent à ce job. Le critère de sélection basé sur le tribalisme y impose aussi son véto.